"L'aimes tu au moins?"
"Ce n'est le genre d'homme dont j'avais rêvé pour être mon époux, mais son regard, sa manière de s'exprimer et sa façon d'être ont de quoi troubler l'âme. Je crois qu'il pourrait être un époux aimant et prévenant."
Le lieutenant, jaloux de la chance d'Aurélie, raconta à sa façon l'idylle d'Aurélie et de Si Ahmed. Aussi, lorsque Si Ahmed demanda audience au gouverneur, celui-ci le fit attendre plusieurs semaines avant de le recevoir. Lorsqu'enfin, il lui accorda une entrevue, ce fut pour lui refuser brutalement l'autorisation de mariage.
"Un arabe, épouser une française? Cela ne se fera pas, je m'y oppose".
Le prince fut invité à participer à l'entrevue. Claude Picard lui parla en arabe, langue qu'il maîtrisait parfaitement. Il traduisait au fur et à mesure .
" Ma fille et moi, ainsi que notre famille et les bienfaiteurs de mon enfant, nous sommes très honorés que ton auguste seigneurie ait daigné choisir Aurélie comme possible épouse. Cependant, il nous faut parler de certains détails avant de sceller une union entre nos deux familles et entre nos deux pays qui maintenant n'en font plus qu'un."
Le père et la fille logeaient à Alger à l'hôtel de Paris. Lorsque la famille arriva d'Arc en barrois. Si Ahmed leur donna l'hospitalité dans sa maison près du grand séminaire de notre Dame d'Afrique.
L'Archevêque Lavigerie (archevêque d'Alger 1867) résidait au séminaire. Il s'étonna de voir des françaises habiter chez un prince arabe et chercha l'occasion de faire connaissance. Cela lui fut facile Aurélie et sa mère fréquentant la chapelle.
Ils firent connaissance et madame Picard informa le futur cardinal des difficultés rencontrées.
Notre dame d'Afrique
" Tes vœux et ceux de ta fille sont déjà les miens. Comment peut ont discuter le prix du ciel ou de l'étoile divine par la quelle la nuit retrouve la limpidité du jour? je suis prêt à offrir quatre cents chameaux et deux mille chèvres en plus de son poids en bracelets et colliers d'or, d'émeraude et de rubis de la plus belle taille, pour unir ma vie à celle de mademoiselle ta fille."
Avant de partir pour Laghouat, puis Ain mahdi, le couple dut attendre l'autorisation de quitter Alger où le prince était en résidence surveillée.
" Je vois l'intérêt que tu portes à Aurélie" répondit sans étonnement Claude picard qui savait que ce genre de dot ne devait pas être repoussé sous peine de blesser celui qui la proposait.
" Elle sera, si elle veut, la femme qui partagera ma vie et mon royaume et vivra dans la constante bénédiction de la baraka".
" Ta générosité et ta grandeur nous touchent au delà des mots. Cependant, tu sais combien les roumis sont attachés à leur religion. Tout autant que vous, ils croient en Dieu et vénèrent les prophètes dont certains nous sont communs. Nos rites divergent pourtant et nous attachons autant d'importance au bonheur du couple qu'à sa richesse. Aussi serions-nous sensibles au fait que ma fille, si elle te suivait, puisse continuer à croire en son Dieu et à l'invoquer à sa manière."
Le bassour est une sorte de cage formée de cerceaux recouverts de tapis d'orient. Chez les musulmans, il est réservé au transport des femmes qui y sont bien cachées. Le voyage durerait 20 jours.
La Mitidja est d'abord traversée. Cette plaine est en plein aménagement, en particulier l'assèchement des marais cause de ma malaria. les jardins d'oliviers et d'orangers de Blida ravissent Aurélie. Puis le pays devient plus sévère. On traverse les gorges de la Chiffa ou Mouzaïa peuplée de singes chapardeurs.
La caravane prend de l'altitude. Les
vignes plantées au début de la colonisation deviendront les riches vignobles
de Médéah.
lLe Bassour
" Voilà qui ne posera aucun problème. Le tout puissant ne dispense-t-il pas la même lumière sur tous ses enfants? ta fille pourra l'invoquer selon sa foi et son désir."
Claude Picard s'inquiéta aussi du nombre des épouses et concubines, lot habituel des musulmans, surtout ceux de la haute société.
Le cheikh répondit qu'il répudierait toutes ses concubines dès leur arrivée à Ain Mahdi.
Claude Picard donna son accord pour le mariage mais exigea qu'il soit célébré à Alger devant las autorités française.
pendant que si Ahmed distribue bénédiction et talismans, sa jeune femme, un peu à l'écart, contemple la scène. la caravane suit maintenant la vallée du Chélif. Elle traverse une région où la désolation est sans borne, un monde pétrifié. après un petit col, le décor change: un lac miroite au soleil, il leurre la princesse car ce n'est qu'un mirage...
Amiral De Gueydon
Claude et Aurélie Picard quittèrent Bordeaux pour aller prévenir la famille à Arc en Barois. Pendant ce temps, le lieutenant interprète emmena Si Ahmed dans sa maison, à Blois, dans le but non avoué de lui présenter sa propre fille....Si Ahmed ne fut pas dupe....
Quelques jours après, Claude et Aurélie embarquaient à Marseille avec le prince et sa suite. L'interprète les accompagnait car il devait rendre compte de sa mission au gouverneur général de l'Algérie, l' amiral De Gueydon.
Environ tous les 50 kilomètres, on trouve un caravansérail (hôtellerie au confort spartiate pour les caravanes) où l'on s'abrite. Les murs sont crénelés et bastionnés aux quatre angles. A cause de l'altitude, les nuits sont froides. Les midis sont par contre accablants.
La traversée des schotts, lacs salés, est éprouvante : l'éclat des cristaux de sel fatigue les yeux.
